“Laissez à la littérature gabonaise le temps de se faire” Pierre MONSARD SIEGU
“Faites de la littérature tout simplement.”
“Pierre Monsard avec mes mots…”
Ya Pierre, une prière me brûle les lèvres, une dictée obséquieuse me torture, mais je ne puis…ton regard incisif et inquisiteur m’en blâmerait; je ne vais pas me faire engueuler une nouvelle fois, non? Je t’entends d’ici gronder: “ce n’est pas toi!”, “ça ne te ressemble pas, Rodrigue!” me lancerais-tu devant mon visage éhonté. A défaut de savourer une bonne “clope”, tu me communiquerais ta volonté par l’une de ces phrases dont seul toi-même a encore le secret: “tu veux parler de moi? Eh bien fais-le avec tes tripes ou avec ton sang et arrête tes salades!”. Voici pourquoi au lieu d’une prière ou d’un discours pensé, je m’en vais te raconter, conter ce que ton existence a laissé en moi, en chacun d’entre nous.
Tout avait commencé par un mot, que dis-je, par un vocable époustouflant de vigueur et de tonicité: “Gaboniaiseries”. Je ne l’avais pas senti comme une vision profonde des “niaiseries” bouffonnes par lesquelles, ici ou là, chez nous au pays, nos vies mornes, chétives et formatées se délitent, s’effilochent au rythme des saisons, au rythme également des contentements alimentaires de toutes sortes. Ivunde, pourtant les acteurs prometteurs de “L’Express” s’en faisaient les hauts-parleurs, ta fameuse “Oraliture” aussi.
“Gaboniaiseries”? Ce fut tout trouvé, bien pensé; j’en entends mieux la vivacité aujourd’hui, plus qu’avant, un peu mieux qu’hier. Yaye, la brèche que tu as laissée ouverte est béante et les héritiers, nombreux maintenant et talentueux, s’en félicitent; des “brigades d’applaudissements” surabondent et l’acclament les paumes en feu; ta création verbale, pour te dire, inspire d’ailleurs quelques beaux textes et ainsi fait proliférer, sous des langues bientôt impertinentes, parfois païennes et souvent langoureuses, des oeuvres poétiques, des monographies érudites, mais surtout des oeuvres narratives que l’on répute “très prometteuses”. “Les Oubliés de la forêt des abeilles”, “Féminin interdit”, “Cabri mort n’a pas peur de couteau”, je viens de les ouvrir, quelques “délicieuses insomnies de France” plus tard, c’est encore toi que je vois, le menton et les joues chevelus (l’été uniquement), l’œil en poste de vigie, me commander, comme à ton habitude de magister, d’être sincère et juste en littérature.
Ya Pierre, ainsi l’on te nomme intimement car, en lettres capitales, Pierre MONSARD, ton nom s’écrit, s’épelle depuis toujours, tout au fond de mon cœur, au plus profond de mon être. Etre-Majuscule, tu l’es; beaucoup te l’ont déjà confessé; très humblement, c’est à mon tour: cette dictée sainte s’arrache de mon cœur, ricoche sur mes lèvres et caresse mes oreilles pour te dire “Diboti”. En pensant à toi, en jalousant par avance tes conversations hilares avec Sony LABOU TANSI et tes commerces savants avec Ahmadou KOUROUMA, je brûle pieusement de l’encens devant ton parcours unique…qu’est-ce que vous devez bien vous marrer Là-Haut !
Rodrigue Kaba