La plume et les mots du Gabon

sociolinguistique, discours, littérature, arts

16 février, 2008

Pourquoi ne mange t-on plus de  »chez nous »?

Classé dans : publications gabonaises — azokhwaunblogfr @ 20:52

Pourquoi, les belles papayes, goyaves, etc, ne trouvent -elles pas de place sur la table des Gabonais?

Cette question trotte dans ma tête depuis des années et je partage fortement cette opinion de madame Honorine Ngou qui s’étonnait et continue d’ailleurs de s’interroger sur cette alimentation  » exotique » à la mode au Gabon.

Mieux encore nombreuses sont femmes qui s’auréolent d’être des cordons bleus et qui brulent pendant des longues minutes de l’huile de palme ou d’arachides avant d’y plonger leur riz ou autres denrées alimentaires. Elles ignorent que l’huile chauffé à une certaine température est incomestible parce que brulée et partant dépourvue de ses valeurs nutritionnelles. Qui a dit qu’un met qui ne contenait ni cube maggi, ni arome maggi n’était pas bon ou serait impropre à la consommation? Pourquoi déverser  tant d’huile dans les plats?

 Où sont nos légumes?

Pourquoi faut-il toujours des boites de petits pois? de haricots verts? etc dans nos provisions? Histoire de faire chic? Histoire de faire diversité?

Pour ma part, je pense que la paresse nous engloutira. L ’oubli des bons légumes de chez nous: feuilles de taro, feuilles de manioc, feuilles de patates douces, fruits de bananiers ( rouges), aubergines, iloupou, masese, mougniaka, folon, oseille et d’autres que chacun pourra énumérer dans sa langue d’origine, voila de quoi nous revigorez. 

Mais il faut d’abord les planter. 

Manger du manioc devient un luxe au Gabon. Certains n’en n’ont plus gouté depuis des lustres tant il coûte de plus en plus cher. De la banane, n’en parlons pas. Plusieurs compatriotes prient d’en manger lorsqu’ils sont invités. Mais comme les occasions sont rares, nombreux s’invitent tout seuls, au point de mettre au vu et au su de tous, l’esprit de faciliter qui gangrène mes frères et moi même aussi.

La seule solution que je propose est de chasser de table ces paresseux qui encombrent inlassablement les tables de pauvres citadins qui croulent sous le poids de leurs propres difficultés existentielles.

Qu’on se le dise clairement, les ruraux, les villageois, les  gens du village le savent: dans les grandes villes, les nombreux meurent de faim. C’est pourquoi ils s’empressent d’envoyer leurs enfants au village pendant les grandes vacances, dans l’espoir qu’ils y reprendront des forces en mangeant des arachides,  du konanbo, des badbadines, des goyaves, des papayes, des avocats, du poisson frais, des poulets frais, de la bonne viande de brousse, des jolies ananas et atangas et bien d’autres douceurs que nombreux ne voient que dans leurs rêves dans cet univers citadins où s’empilent les brutes. Celles qui ignorent que le bonheur est dans les prés de Ndéndé, Lembamba, de Mourimatsiengui, de Benmboudié, de Ndenaltembé, Nkombarendo, Sidinla, ivendantchango, Atonda Assimba, Mouloundou, Matsatsa, Alombié, okoumi kassa, Pourquoi pas, Pourquoi moi quoi, Laboulabou, Bolossoville, etc. Certains de mes compatriotes trouvent honteux, primitif voire barbare et signe de manque d’évolution le fait que le déssert se compose d’une bonne , tendre, belle  juteuse et croustillante tranche de papaye. Ils souhaitent au pire des cas se contenter d’un yaourt dont la date de péremption est ignorée voire dépassé depuis des mois. Le tout c’est que cela fasse chique,  signe une certaine aisance financière, parce que acheté dans un grand super marché où l’on peut faire ses courses en poussant une cariole…  QUELLE REGRESSION !

Fruit aux valeurs nutritionnelles avérées et qui abondent derrière les cases, les maisons, le long des routes. Pourquoi  ne pas les déguster à volonté? Et nos belles goyaves? Ces beaux corrosols ( pour ne pas dire cossorols comme je les désignait enfant!)!

  Ce qui est étrange, c’est que l’on ne laisse plus aux mandarines, pamplemousses, avocats, ananas, mangues, le temps d’arriver à maturation avant de les écouler sur le marché public. Et ça, personne ne semble s’en offusquer! Acides et aigres  ces produits sont boudés par les populations et finissent par inondés par bennes à ordures déjà débordantes du marché de Mont-Bouet. Quel gachis!

 Ce qui est étonnant c’est qu’à la fin du plat de résistance, la préférence d’un gabonais ira  vers un coca-cola grand-modèle comme, ils aiment à le préciser, ou vers une bière bien fraîche! Pourquoi? Signe d’aisance financière peut-être?

D’ailleurs,  nombreux ne savent plus boire l’eau au Gabon  et s’étonne du  développement  fulgurant de certaines maladies.  Et avec ça on va encore accuser qui d’avoir tué qui?

On se tue nous même à petit feu. N’est-ce pas?

Dans Soukey ( Nouvelles Editions africaines, 1999, p 62), Mariama Ndoye  met ces mots dans la bouche d’un père: Mangez sans crainte, ma Kiné ne laisse pas bruler son huile; de plus, le merou de nos plages et les gros légumes venus de Diender sont des trésors de protéines et de vitamines. Ne vous en privez pas. Cependant, n’oubliez pas les papayes et les mangues au dessert, une bonne rasade de nectar de corrosol ou de goyave. Avec ce régime saint vous serze les premiers de l’école car pas de risque de crampe d’estomacs, ni d’hypoglycémie sur le coup de dix heures.

2 réponses à “Pourquoi ne mange t-on plus de  »chez nous »?”

  1. je vous transmet ce point de vue de Leslie sur la consommation alimentaire:

    Comme les traditions, les habitudes culinaires se perdent.
    On pourra toujours mettre cela sur le dos de la vie en ville qui est éreintante et ne laisse pas le temps pour réfléchir dans la cuisine. Mais bon….
    Comme certains reportages télé nous montre des petits français qui jamais n’ont vu du poisson nagé dans la rivière et pense que le poisson est ce simple bâtonnet surgelé qu’ils mangent à la cantine, ne nous étonnons pas de voir disparaître nos feuilles de tarots.
    Je suis d’ailleurs la 1ère à ignorer pas mal de choses côté cuisine et bêtement adepte des pizzas.
    Toute une éducation à refaire.
    Cela soulève le poids de l’exode rural : ne plus faire de tours dans nos plantations villageoise ne peut qu’encourager à la consommation du vite fait.

    Leslie Amendjé

  2. Je crois qu’il faut sévèrement se pencher sur cette question de l’alimentaire au Gabon. Nous y gagnerons en consommant des produits locaux. Bien plus, si nous buvons de l’eau cela ne fera un grand bien. Mangeons peu gras, Peu salé et faisons un peu d’activité physique et intellectuelles.Tous les produits manufacturés ne sont toujours propres à la consommation.

    Annie de la Roncière

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