Les registres du chant, de l’affection et du jeu dans la littérature enfantine au Gabon : le cas de ‘‘Les aventures de Cocotte’’ de Pulchérie Abeme Nkoghe.
Les registres du chant, de l’affection et du jeu dans la littérature enfantine au Gabon : le cas de ‘‘Les aventures de Cocotte’’ de Pulchérie Abeme Nkoghe.
La littérature enfantine est destinée à l’éveil des enfants, à leur perception progressive du monde. Ils découvrent les couleurs, les formes, les objets. Ainsi que leur usage et leur importance dans la vie quotidienne.
Les littérateurs gabonais ne sont pas en reste et souhaitent chacun à leur manière et avec une originalité créative donner aux enfants et à leurs enseignants des outils pédagogiques qui favoriseraient leur éclosion au monde. Aussi après Son ainée Viviane Magnagna Nguema avec »Belle ‘enfance », Pulchérie Abème Nkoghe Pulchérie a publié aux éditions Mon livre Mon Droit en 2011
‘ ‘Les aventures de Cocottes’’.
Une héroïne, physiquement jolie dont les deux couettes qui tiennent la majorité de ses cheveux s’accommode aisément à ses trois nattes qui pendent sur son front. Ses cheveux noirs et son nez assez pâté témoigne bien de son appartenance au peuple noir. Ses yeux assez ronds laissent tout de même voir des sourcils épais qui ornent un regard assez distant, voire interrogateur, comme si notre héroïne était confuse et presqu’apeurée. Elle tient comme un bouclier sa peluche de couleur jaune comme un bien précieux, qu’elle ne souhaiterait perdre sous aucun prétexte. Ses sandales ornées d’une ‘‘ornière’’ rouge se marient avec élégance avec sa robe de couleur rouge qui met bien en valeur son teint chocolat, caramel. Nul doute que ses oreilles sont aux ‘‘aguets’’ de ses choses agréables ou fâcheuses, qui, selon qu’elles soient roses ou noires peuvent lui redonner ou non le sourire.
Le sous titre de l’œuvre : « Où est passé Cocotte ? » Écrit avec une teinte jaune, renvoie immédiatement à la peluche de Cocotte et pousse d’emblé le lecteur vers un univers ludique. Il plait aux enfants qui grâce aux jeux se figurent un monde le plus accessible pour eux : celui du divertissement, des occupations inutiles, puériles pour les adultes. Mais utile pour les enfants. Ils forgent ainsi leur savoi , leur personnalité et se dévoilent au monde.
Ou est passée Cocotte ?
En parcourant le livre nous aurons la réponse à cette interrogation axiale, poutre du texte d’Abème Nkoghe dont nous interrogeons ici le vocabulaire en insistant sur les occurrences lexicales et leur porté sémantique.
Trois champs lexicaux se distinguent clairement
1- Le champ lexical du chant planche (11)
Où es tu Cocotte ?
Que fais- ma cocotte ?
Viens vite Cocotte à moi
Maman attend tes bisous
OOô Cocotte
Oôôôô à Cocotte
Cocotte maman t’aime
Mon bébé ta mère t’aime
Ce chant fonctionne comme une berceuse. Il regorge de nombreux possessifs comme ‘’ ma’’, à ‘’ moi’’. Son vocabulaire affectif ( bisous, t’aime, t’aime) suscite de la tendresse chez le sujet indexé. La mère de Cocotte amadoue sa fille, afin qu’elle se montre, qu’elle se présente afin de taire ses peurs.
Nul doute que Cocotte n’est pas hors de la maison car aucune phrase ne nous enseigne que notre héroïne serait sortie. Toutefois, la maitresse de maison, se demande dans quelle pièce de la demeure Cocotte se trouve. Que fait-elle ? Un accident domestique est vite arrivé.
Pour avoir la réponse à sa préoccupation, la mère de Cocotte, use de la corde sensible, la manière douce est toujours payante avec les enfants qui ne demandent qu’à être aimer.
L’usage du champ lexical de l’affection.
Aussi, en entendant cette chanson très douce qu’elle aime, Cocotte sort de sa ‘’cachette’’, elle aimerait recevoir des ‘’ câlins’’ (p.5) car « son papa, sa maman, et son grand-frère l’aiment tous très fort. Ils adorent lui faire des câlins. » et des « bisous » (p.12), gros gros bisous ( p. 12), bisou (p.18)
Les signes affectifs ne manquent pas dans la famille d’Eyang qui porte aussi le nom très doux de Cocotte. Ce tendre appellatif regorge tant l’affection paternelle que maternelle et fraternelle. Obame aime sa sœur tant et si bien qu’il est capable de lui pardonner quelques bêtises. Même si ces dernières lui causent des désagréments.
Obame a dix ans. Mais il n’en demeure pas moins un jeune enfant qui offre une place importante au ludique dans son cœur.
Aussi le champ lexical du ‘’ jeux’’ et de ses adjuvants : jouets, se décline –t-il dans ce livre en une seule occurrence globalisante mise en exergue par : « Et ce trésor, c’est l’ensemble des jouets d’Obame » (p.5). Le terme « ensemble » est ici très significatif de ce tout si précieux aux yeux de Cocotte et de son frère.
Joué (p.6), jeux vidéo (p.6), jouets (13), jouets ( p.15), jouets (p.18).
Nul doute qu’en écrivant ce texte l’auteur a voulu donner à sa vison de l’enfance une dimension de fraternité sensible avec des personnages anthropologiquement proches de ceux qu’elle a côtoyé durant son enfance.
L’usage du registre ‘’ familier’’ ( papa (5) , maman ( 5), coucou ( p.18) (qui se place en relation synonymique avec ‘’bisou’’) dans la phrase « Cocotte sourit et fait un gros coucou à Obame » trouve ici , toute l’expression d’une littérature qui se voudra instructive, en dépassant le cadre familial. Ces lexies devront, plus tard, ( au fil du parcours existentiel de l’héroïne) être remplacés par « père », « mère », « baiser »…) appartenant au registre soutenu, prisé en milieu scolaire.
Quelques confusions sonneraient comme des impropriétés aux yeux de certains lecteurs qui, comme moi, ne posent pas en terme de valeurs sémantiques identiques ‘’ bisous’’ et ‘’ coucou’’ sur la même étagère. Il serait souhaitable que la prochaine édition de ce texte revoie l’usage de ces deux termes en proposant au lecteur des synonymes.
Retenons que ces mots appartiennent à un vocabulaire familier perceptible dans cette œuvre adressée à un public particulier dont les discours sont plutôt ancrés dans une certaine oralité. Toutefois, ces ‘’aventures de Cocottes’’ qui certainement ont la prétention de faire partie des ouvrages au programme dans l’enseignement préscolaire au Gabon, répandront plus tard des discours au registre soutenu, signes d’évolution langagière requise par l’âge et le développement de l’enfant.
A. Charnet Mpenga
Linguistique, phone.
Il me tarde de déguster ce texte!